Enfants précoces et extra-ordinaires, qui sont-ils vraiment ?

Les enfants précoces ont un âge mental en moyenne de 2 à 7 ans en avance sur leur âge réel.

Ils représentent 2,3 % de chaque classe d’âge, soit 400 000 enfants entre 6 et 16 ans. Leur spécificité : un QI (quotient intellectuel) supérieur ou égal à 125 notamment avec des caractéristiques particulières comme la précocité motrice, un langage riche, une imagination fertile, une dyssynchronie, un esprit critique, des difficultés d’intégration, une hypersensibilité accompagnée d’une anxiété extrême… Appelés « surdoués », « à haut potentiel », « EIP ou enfants intellectuellement précoces », ces enfants connaissent très souvent le harcèlement à l’école : moqueries de leurs camarades, incompréhension des professeurs… Une situation qui pousse certaines familles à partir dans des écoles privées ou spécialisées ou à préférer « l’école à la maison ». Alors qui sont réellement ces petits génies qui fascinent mais qui demeurent rejetés par une école publique normalisée et rigide qui continue à refuser toutes formes de différences ?

La caractéristique de chaque être humain est sa différence : de taille, de poids, de caractère, de manière d’être et d’intelligence. Chaque enfant a le droit à l’éducation qu’il soit « normal », ou « dys » (dyslexie, dysphasie, dyspraxie, dysorthographie) ou « autiste ».

Chez les « dys », il y a aussi les enfants dyssynchroniques. Un nom barbare qui désigne ces enfants qui sont surdoués, les enfants intellectuellement précoces (EIP). Ces enfants représentent 2 à 4 % d’une tranche d’âge et leur évaluation intellectuelle est supérieure à 130. Plusieurs signes peuvent nous alerter en tant que parents : un enfant qui parle très tôt ou plus tardivement mais de façon correcte, un enfant qui s’interroge sur l’existence (la vie, la mort, le monde…) et pose énormément de questions, un enfant qui apprend par lui-même. Il est important de faire passer un bilan auprès d’un psychologue habilité afin de mettre en lumière les ressources et les compétences de l’enfant.

Un contraste peut apparaître entre un enfant intellectuellement précoce et les autres enfants de sa classe. La particularité de son intelligence rend souvent difficile son adaptation scolaire et sociale. Ses sentiments sont d’une intensité absolue (amour, colère, susceptibilité, peur) et sa capacité d’empathie est très fine ; la moindre émotion de l’autre est perçue de façon quasi instinctive.

Malheureusement aujourd’hui encore ces enfants ont des difficultés à se faire accepter à l’école ordinaire parce que leur côté « extra-ordinaire » effraie les autres qui ne savent pas comment se comporter avec eux. Leurs « ultra compétences » provoquent soit le rejet soit la moquerie de la part des autres enfants. Beaucoup d’entre eux subissent du harcèlement à l’école de la part des élèves. Mais ils sont également parfois face à un manque de compréhension des professeurs qui tentent de les faire entrer dans leur système de pensée et de raisonnement, en ignorant leurs spécificités.

L’histoire de Célia

C’est le cas de la petite Célia, 11 ans. Célia est née en 2008, et a toujours été différente. Elle a su parler très tôt mais elle préférait montrer les objets que de les nommer oralement. Elle n’a jamais fait de « gribouillis » en dessin. L’alphabet et les chiffres étaient déjà acquis à l’âge de 2 ans.

Sophie, sa maman témoigne : « Célia m’a demandé de lui apprendre à lire à l’âge de 4 ans, et elle a appris dans la foulée les additions et les soustractions. De ce fait, elle est entrée en CP sachant lire, écrire et compter. Elle a appris les tables de multiplication en une semaine pendant les vacances d’été 2015. Ayant perçu une différence d’apprentissage, j’ai consulté  des médecins et Célia a été diagnostiquée par une psychologue spécialisée à l’âge de 7 ans, avec un résultat global de 147 de QI. Mais l’équipe enseignante de l’école a rejeté en bloc la conclusion de la psychologue. Célia a continué sa primaire dans une école Montessori. Cette école lui a permis d’effectuer 4 ans de primaire en 2 ans (saut de classe et classes de CM1 et CM2 effectuées en 1 an). Célia a repassé les tests WISC IV en fin de CM2 afin de valider son passage en sixième avec un résultat de 150.

L’intégration s’est bien déroulée au collège grâce au soutien du chef d’établissement. Mais Célia a subi le harcèlement moral de certains élèves de sa classe qui se moquaient d’elle en lui répétant qu’elle n’était pas à sa place. D’autres élèves la poussaient dans la cour et personne ne jouait avec elle. Ma fille en a beaucoup souffert. Et elle a fini par se rapprocher d’autres enfants précoces et d’enfants autistes Asperger. Grâce à sa persévérance et à ses nouveaux amis, Célia va mieux et son intégration se déroule plus sereinement. Célia a bien fini son année et elle est passée en cinquième avec succès ».

L’importance du diagnostic

A part l’intégration scolaire, l’autre difficulté est de faire diagnostiquer son enfant, en évitant l’erreur de diagnostic. Parfois certains psychologues se sont trompés en évoquant l’autisme Asperger. Il est vrai qu’il existe plusieurs similitudes comme les troubles de communication, d’intégration, d’alimentation ou de sommeil, les troubles de comportement (tocs, addictions, anxiété, violence). Les enfants précoces comme les enfants autistes Asperger peuvent développer aussi des problèmes de psychomotricité fine comme la dysgraphie.

Milana, maman qui a connu cette erreur de diagnostic avec son fils longtemps considéré comme autiste témoigne : « Pendant des années, mon fils a été pris en charge par la méthode ABA. C’était une catastrophe. Non seulement cela ne fonctionnait pas. Mais en plus, cela lui provoquait de nombreux troubles du comportement. Les psychologues disaient que c’était de notre faute, que l’ABA devait fonctionner, et qu’il fallait se montrer patient. Mais le problème ne venait pas de la méthode comportementale mais du diagnostic de départ. Des médecins non formés  m’avaient envoyée dans un cabinet de psychologues parisiens assez réputé qui s’était trompé de diagnostic. Mon fils était juste précoce et cette erreur nous a fait perdre de nombreuses années. Actuellement, les psychologues ont tendance à voir des autistes partout, et la précocité reste mal connue ! Rien n’est mis en place par le gouvernement en matière de précocité. J’ai parfois l’impression que sa précocité est considérée comme un handicap ! ».

Afin d’éviter les erreurs de diagnostic, deux méthodes de détection existent : le test de QI réalisé par un psychologue et mesuré par des tests psychométriques et des questionnaires d’identification. Mais il faut surtout en tant que parent être attentif à l’évolution de son enfant. Un véritable marché de l’autisme s’est développé ces dernières années qui fausse parfois consciemment les diagnostics.

Une école publique encore trop normative

Une fois le diagnostic posé, il faut veiller à permettre à votre enfant de développer ses compétences, et ne pas essayer de les brimer afin qu’il s’adapte mieux à notre société normée. Il faut lui faire accepter sa différence en le valorisant, et en nourrissant son imagination, sa curiosité et son savoir. Il faut travailler en partenariat avec le chef d’établissement et les professeurs afin de réfléchir à sa scolarisation tout en privilégiant son bien-être. Le saut de classe doit être réfléchi avec l’équipe pédagogique afin que l’enfant se sente bien intégré, et non en décalage. Il existe quelques classes pour les enfants précoces au sein de l’école publique, et quelques écoles spécialisées. Des associations pour enfants précoces accompagnent les familles dans ce parcours du combattant. Mais l’Etat a encore beaucoup de travail à faire concernant la précocité qui n’est pas considérée comme une priorité. Pourtant la non formation des médecins et des professeurs, le peu de considération concernant le harcèlement subi par ces enfants extra-ordinaires conduisent parfois ces élèves à l’échec scolaire, et à de graves dépressions. Il est donc temps que le gouvernement prenne conscience de la difficulté de ces familles, et que les compétences hors norme de ces milliers d’enfants soient enfin valorisées au sein de l’école publique.

Nicole Bénessiano

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