Handicap/Biomédical : Une dérive dangereuse passée sous silence

Régimes sans gluten ou sans caséine ou encore à base de graines, antibiotiques en continue, probiotiques, antifongiques, diurétiques, piqûres de magnésium et de vitamine B6. Cannabis. Pulvérisations nasales d’ocytocine. Romidepsine, MMS (dioxyde de chlore) ou encore thérapie de chélation des métaux lourds afin de « détoxifier » l’organisme. Une liste non exhaustive de produits ou méthodes miracles, classés sous l’étiquette marketing de biomédical, et qui permettrait de « guérir » de l’autisme, du syndrome de Rett en passant par la maladie de Lyme.

Un marché parallèle lucratif

En France, face au désert médical et scientifique concernant ces différents syndromes, un véritable marché parallèle et lucratif s’est développé ces dernières années, au nez des autorités et de certaines personnalités politiques de l’autisme. Des responsables qui ont choisi, malgré les preuves apportées, de fermer les yeux, se rendant complices de cette situation.

Certains médecins et chercheurs associés proposent, sous couvert de biomédial, des traitements alternatifs. Ils prescrivent ces traitements et méthodes en tout genre en prenant appui sur de grandes associations, qui « fournissent» les familles et les cobayes, et qui organisent pour eux des rencontres privées dans de beaux appartements parisiens. Ces médecins travaillent en réseau avec quelques pharmacies qui acceptent de délivrer ces prescriptions farfelues. Pour certains médecins, aucune analyse de l’enfant n’est demandée, pour d’autres les analyses sont faites dans des laboratoires situés à l’étranger. Un des principaux laboratoires parisiens vient d’ailleurs d’être fermé. Ces analyses très spécifiques, analyse d’un cheveu afin d’évaluer sa teneur en mercure, coûtent très cher et ne sont pas remboursées. Le suivi de l’enfant n’est pas toujours fait puisque certains de ces médecins ont dû s’exiler à l’étranger, étant surveillés, poursuivis, parfois même radiés de l’Ordre des Médecins. Ce qui ne les empêche pas de faire des consultations par téléphone (160€).

Puis, lorsque les familles n’ont pas les moyens financiers de s’offrir de telles consultations et analyses, les réseaux sociaux font office de prescripteur sous l’égide de présidents d’associations nationales. Sur des groupes fermés, les uns et les autres échangent les bonnes pratiques, les dosages et les effets secondaires. Certains d’entre eux, qui se prennent pour des médecins, y vont de leur petit conseil. Ce qui est punissable par la loi. Les témoignages des parents affluent : l’un d’eux a dû amener son enfant à l’hôpital « à cause de vertiges ou d’un trouble cardiaque ».

Un autre s’inquiète « de la perte de poids de son enfant, ayant été menacé par son médecin traitant d’avoir un signalement auprès des services sociaux ». Les médecins présents sur les groupes rassurent les familles, leur assurant une guérison prochaine. Dans ces groupes, le leitmotiv est aussi de conseiller aux parents de ne pas faire vacciner leurs enfants, et de faire établir par des médecins de faux certificats parce que les métaux lourds empoisonneraient leurs organismes. Les thérapies de chélation sont aussi évoquées régulièrement afin de se débarrasser des pesticides présents dans l’alimentation.

Quant au cannabis, la vente étant interdite en France, cela s’effectue par le bouche à oreille. Et des flacons d’huile de cannabis sont commandés sur internet ou encore sur Facebook, venant de Suisse, de Belgique et de Tunisie. Ces produits sont administrés par les parents aux enfants, même en bas âge, sans vérification de la réelle composition des flacons.

Des pratiques dangereuses révélées aux médias

Estelle Ast Verly ainsi que SOS autisme France avons donc lancé l’alerte dans les Médias. Deux journaux seulement, Brut et le Huffington Post, ont relayé notre appel. Une autre maman d’un adulte autiste, inquiète pour son fils accro au biomédical et infiltrée dans des groupes secrets de Facebook, nous a alors envoyées un dossier conséquent de copies d’écran où des noms de présidents d’association et de médecins y figuraient.

Malgré cette prise de risque faite pour protéger les familles, nous nous sommes heurtées à l’incompréhension de certains parents qui pratiquent le biomédical. Des mères se sont senties jugées : « J’ai été très blessée au point que j’en ai eu la nausée. J’en ai marre que les gens nous critiquent parce que nous cherchons des solutions pour aider nos enfants. A cause de cette alerte, nous sommes obligées de fermer ces groupes. Que font les psychiatres, à part leur donner des neuroleptiques ? Il faut bien trouver des choses plus efficaces »  nous a-t-elle écrit.

Pourtant nous ne cherchions qu’à prévenir les familles qui viennent de recevoir le diagnostic de leur enfant, et qui sont parfois tellement désespérées qu’elles sont tentées de croire en tout et en n’importe quoi.  Nous réclamions simplement un plus grand contrôle, et l’ouverture de  protocoles réglementés qui permettraient de vérifier l’efficacité de ces traitements biomédicaux, rappelant que « les enfants en situation de handicap ne pouvaient pas être des cobayes servant les intérêts des groupes de recherche ».

Il faut aussi rappeler que la France a 40 ans de retard pour certains syndromes, comme l’autisme, et que la recherche n’a pas assez de moyens. Donc ces familles, conscientes de ce désert médical, sont des proies faciles. La plupart d’entre elles sont à bout, refusant d’une certaine façon le trouble de leur enfant. Alors elles empruntent des chemins de traverse afin de trouver des « solutions miracles », persuadées d’être sur le bon chemin. Elles n’ont pas conscience que le fait de jouer aux apprentis sorciers peut déboucher sur des accidents irrémédiables pour leur enfant. Mais un des parents écrivait : « Mon fils est déjà handicapé, alors que peut-il lui arriver de pire ? ».

Une maman, ayant entendu parler du cannabis utilisé en Israël sur les autistes, n’a pas hésiter à se mettre dans l’illégalité. Elle écrivait que « son fils n’avait pas le temps d’attendre que la France se décide à le légaliser et à reconnaître qu’il fonctionnait sur les personnes autistes ».

Mais au regard des réactions disproportionnées suite à cette tribune, le biomédical semble être devenu une véritable croyance avec une idéologie forte derrière qui fait penser à une véritable secte : « Le fait d’appartenir à des groupes fermés, d’évoquer ces médecins avec leurs simples initiales les isole, et les coupe de la réalité. A force de se partager les bonnes pratiques, ils se prennent au jeu, et ont l’impression d’être des médecins, persuadés que le gouvernement vaccine leurs enfants pour favoriser l’enrichissement des laboratoires ! Les plus extrêmes parlent même de théorie du complot ! » explique un papa.

Alors que la plupart des familles essayent ces traitements afin de voir si cela fonctionne ou non, d’autres mettent tant d’espoirs derrière tout cela, qu’elles en deviennent irrationnelles, paranoïaques et extrémistes. Comme il n’y a aucun contrôle, la mise en danger allant jusqu’à la maltraitance de ces enfants existe, mais ne peut ou ne veut pas être établie, par les autorités compétentes.

L’éloquent silence des pouvoirs publics

Malgré l’alerte que nous avons lancée, il y a plusieurs mois, en tant que mamans d’enfants autistes, rien n’a bougé. Malgré un rendez-vous au ministère avec la déléguée Madame Compagnon qui affirme avoir envoyé des mails au ministère de la Santé, tout en continuant à soutenir ces présidents d’associations, rien ne s’est passé. La Ministre Madame Cluzel a elle aussi été alertée mais n’a même pas daigné réagir. L’envoi de ces documents au Défenseur des droits n’a rien donné non plus.

Pourtant aujourd’hui en France, un véritable trafic du biomédical est organisé avec des médecins, groupes de recherche, lobbyistes en tout genre, et la complicité de deux grandes associations nationales au détriment de la santé de milliers d’enfants. Des médecins parfois radiés qui font des prescriptions abusives, dont l’efficacité n’a ni été prouvée ni validée par la Haute Autorité de Santé.

Plusieurs questions se posent donc : pourquoi le gouvernement ferme-t-il les yeux sur l’émergence de cette médecine parallèle ? Comment tous ces enfants ont pu être traités par antibiotiques sans que cette méthode ne soit validée ? Pourquoi cette « médecine » se pratique-t-elle en cachette si ces méthodes, et ces différentes substances apportent de réels bienfaits voire une possible « guérison » ? Pourquoi Madame Compagnon, déléguée interministérielle à la stratégie nationale pour l’autisme, prévenue de ces expérimentations sauvages, n’a t-elle pas réagit, suite à notre venue à son Ministère ? Qui sera rendue responsable en cas d’accident ?

Des questions restent malheureusement en suspens face à un gouvernement craintif qui n’ose pas soulever le tapis, préférant laisser ces milliers de familles seules face au handicap de leurs enfants, tout en continuant à faire prospérer l’industrie pharmaceutique. Il faut juste espérer que la France suivra l’exemple des Etats-Unis, qui après des accidents mortels, a créé un organisme de  lutte contre toutes ces dérives.

Un espoir cependant demeure, et qui date de quelques semaines : Deux ouvrages, parlant de traitements miracles ou de liens entre vaccin et autisme, ont été retirés de la vente par Amazon, sous la pression des associations : « Healing the symptoms known as autism (Guérir les symptômes de l’autisme) » et « Fight autism and win » (Combattre l’autisme et gagner) ». Le premier ouvrage de Kerri Riviera, expliquait que 191 enfants avaient été guéris de l’autisme en ingérant une potion à base de dioxyde de chlore, un composé souvent appelé « solution minérale miracle » ou MMS. Un puissant puissant agent de blanchiment utilisé pour le décapage des textiles et traitement de l’eau industrielle. Le deuxième livre signé par Tressie Taylor, qui faisait le lien direct entre certains vaccins et autisme, a été également retiré de la vente.

Il faut donc espérer qu’Estelle Verly et d’autres familles investies dans cette lutte contre les dérives sectaires liées à l’autisme aurons gain de cause face aux puissants lobbys institutionnels et associatifs et le silence assourdissant de certains de nos gouvernants.

Témoignage de Sonia, maman d’enfants autistes

J’ai découvert ce monde parallèle réellement en 2010. J’avais connaissance d’études publiées à l’étranger qui étaient très prometteuses mais la rencontre avec une personne très investie dans le milieu associatif m’a permis d’avoir le contact direct avec un médecin. J’ai donc pris rendez-vous avec ce médecin afin que mes enfants puissent bénéficier d’un traitement qui pourrait éventuellement améliorer leur état. C’était pour moi un nouvel espoir. Mes enfants étaient jeunes, 3 et 4 ans. La France cumulait un retard déjà si important en matière d’autisme que je me suis dit, si ces traitements fonctionnent vraiment, le jour où ils arriveront en France, mes enfants seront déjà trop grands. C’était pour moi finalement une chance de pouvoir déjà leur en faire bénéficier avant. Mais après 3 mois de traitement, j’ai décidé d’arrêter faute d’amélioration et par peur d’effets secondaires. J’avais bien vu qu’à la pharmacie, le traitement interpellait pour de si jeunes enfants. En lisant les notices, j’ai vu que ces antibiotiques étaient prescrits pour des personnes séropositives en phase terminale ou pour des drogués en cure de désintoxication, en état de manque. Le médecin m’avait rassurée en me disant que ça agissait différemment dans le cas de l’autisme. J’en avais même parlé à la pédopsychiatre. Elle comprenait ma démarche mais me disait d’être vigilante et de ne pas jouer à l’apprenti sorcier. Puis en 2012, les études étaient très encourageantes concernant l’ocytocine. Une copine qui avait un mari médecin, allait la tester pour son enfant et m’a proposée de m’en fournir si je le souhaitais. J’ai accepté. J’ai fait le traitement durant 3 semaines. Mais encore aucune véritable amélioration. Quand vous êtes dans ce monde parallèle, vous vous apercevez que vous n’êtes pas seule à le faire. Beaucoup de personnes ont testé pour leur enfant, et testent encore…Alors oui, certains sont juste parents, d’autres ont différentes casquettes dont celle de parent et représentant d’association. Pas simple de juger quand on sait le retard de la France en matière d’autisme. Quand on a un enfant autisme, on a le sentiment que l’Etat nous a abandonnés. Pour ma part, mon seul souhait était d’aider mes enfants afin que leur avenir soit plus simple. Si un traitement avait pu améliorer leurs troubles, leur vie aurait forcément été plus simple.

Par Olivia Cattan

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