Fiction et autisme : the good match ?

La représentation de l’autisme dans la fiction a longtemps occupé l’arrière-plan du décor jusqu’à ces dernières années où films et séries étrangères ont mis en scène des personnages autistes. Avec la série Parenthood diffusée dès 2010, qui montre une famille face à la découverte de l’autisme Asperger de leur fils, puis la sortie d’autres productions remarquées, la question a définitivement envahi les scripts des scénaristes. L’année 2017 a marqué un tournant avec le lancement des séries Atypical et Good Doctor. Tour d’horizon.

Ils sont trois jeunes adultes, deux garçons et une fille à vivre en coloc’. Tous sont autistes. Eux ce sont les héros de la série israélienne « On The Spectrum », récompensée en 2018 du Grand Prix du Jury au festival Séries Mania. Elle révèle le quotidien obsessionnel de Ron, Amit et Zohar avec humour et émotion, en offrant un regard novateur sur un sujet qui reste profondément méconnu du public. Dana Idisis, la scénariste, dit avoir voulu écrire sur la vie de son frère autiste sans imposer une vision réductrice. Si cette création n’a pas encore de diffuseur en France, il n’en est pas de même pour « Atypical », disponible sur Netflix, qui suit un adolescent autiste à travers la question difficile de l’éveil amoureux, propre à tous les jeunes de son âge. La série « Good Doctor », diffusée sur TF1 a, elle, dominé les audiences à la rentrée 2018, grâce à Shaun Murphy, un jeune médecin, autiste Asperger, doté d’une mémoire exceptionnelle, qui tente de faire face à l’hostilité de ses pairs au sein d’un hôpital. Toutes ces séries ont pour point commun de s’ancrer dans un quotidien, que ce soit la vie d’adulte ou le monde du travail avec des personnages principaux atteints d’autisme en interaction avec des non-autistes. L’inoubliable Raymond incarné par Dustin Hoffman dans « Rain Man » semble bien loin, même si le cinéma a investi à nouveau le sujet dès les années 2000. Citons les films les plus récents comme « Le Monde de Nathan », « Please Stand By » ou « Le Phare des Orques ». Au cœur de chaque production, une seule question : comment rendre compte de la complexité de l’autisme sans faire du personnage un être systématiquement hors normes qui s’éloigne de toute réalité pour les familles ? Face aux possibles de l’écriture sur un thème qui interroge, dérange ou fascine, la tentation d’explorer des pistes déviées sans l’accompagnement de consultants est là. Les avis divergent sur les créations, selon les libertés prises par les auteurs, et le soin de collaborer avec des associations pour ne pas s’en tenir à une lecture spécifiquement intellectuelle du sujet.

Catherine Marchal, marraine de SOS autisme France et actrice de la série On va s’aimer un peu, beaucoup…, diffusée sur France 2, proposait récemment de traiter le sujet dans un épisode où un couple séparé se bat autour de l’éducation de leur fils Asperger. Julien Zidi, réalisateur de la série, a été confronté à ce souci fondamental de la justesse : « J’avais une connaissance assez éloignée du sujet, je me suis donc rapproché de SOS autisme France car j’avais un certain nombre de questions sur des détails du texte pour ne pas tomber dans des clichés. Il y avait la volonté d’être au plus près de la vie de cet enfant ballotté, de suivre l’histoire à travers son regard et d’expliquer les moments de crise qui arrivent en fonction de ce qu’il vit face au déchirement de ses parents.»

Un public plus concerné

En 2015 sortait au cinéma le film « Le Goût des merveilles » avec Virginie Efira qui tombe amoureuse d’un autiste Asperger, génie mathématique. Puis en 2018 « Monsieur-je-sais-tout », l’histoire d’un jeune Asperger, joueur d’échecs, qui débarque dans la vie de son oncle joué par Arnaud Ducret. France 2 rediffusait également en 2018 le téléfilm « Presque comme les autres », de Renaud Bertrand.

Face à la multitude de productions, peut-on parler de phénomène de mode ? « Je ne pense pas explique Julien Zidi même si c’est difficile à dire. Peut-être le public est-il davantage prêt, en tout cas à la télévision, qui est un support de divertissement, à accepter des sujets plus graves qui interrogent, et sur lesquels on ne s’attarde pas si on n’est pas directement concerné. »

Mais si parfois les fictions servent la cause de l’autisme, d’autres continuent à tomber dans certains clichés. Comme la série populaire « Demain nous appartient », diffusée sur TF1, qui a introduit il y a quelques mois un personnage d’adolescent autiste, qui au fur et à mesure découvre l’amour sur le modèle d’ »Atypical ». Même si au départ, cela partait d’une bonne intention, ce personnage s’est très vite transformé en un être doté de pouvoirs paranormaux qui discute avec les morts, en l’occurrence sa sœur. Et il parvient même à sauver son père d’une crise cardiaque lors d’une vision. Il serait donc temps que les réalisateurs prennent conscience que ce genre de maladresses continue d’entretenir l’image de « l’autiste magique » doté de supers pouvoirs. Ce qui peut entraîner un grand nombre de moqueries dans les cours d’école à l’égard des élèves autistes.

Enfin, le thème de l’autisme restera d’actualité dans la fiction en 2019, puisque les réalisateurs d’Intouchables, Olivier Nakache et Eric Toledano, viennent d’achever le tournage de leur nouveau film « Hors normes » avec dans le rôle des éducateurs spécialisés Vincent Cassel et Reda Kateb. Espérons qu’ils ne céderont pas eux aussi aux clichés et au pathos que les familles et les autistes eux-mêmes n’arrivent plus à supporter.

Par Paula Haddad

Partager
Separator image Publié dans Culture.