Magali Saby : « Mon fauteuil ne résume pas ce que je suis »

Magali Saby est comédienne et danseuse, une danseuse en fauteuil roulant…Etonnant, direz-vous ! Pourtant le corps a son langage propre, et chaque corps exprime sa musique spécifique. Alors pourquoi une jeune femme en fauteuil ne pourrait-elle pas devenir danseuse ? La danse ne s’arrête pas à l’image d’une femme debout sur ses jambes. Parce que la poésie et l’érotisme de la danse peuvent naître d’un mouvement de bras ou d’épaule, d’une expression ou d’un regard ! Ne pas le comprendre serait une façon de nier le corps de ceux que l’on dit « handicapés physiques ». Pourtant ils ont leur propre empreinte corporelle, leur mobilité, leur rythme. Et leurs gestes expriment leur identité et leurs désirs afin de nous séduire. Magali Saby fait partie de ces âmes, belles et différentes, qui dansent comme on livre un combat contre les préjugés et l’indifférence.

Témoignage.

« Je m’appelle Magali. Je suis une danseuse différente. Mon cerveau a manqué d’oxygène à ma naissance, et je suis presque née sur un fauteuil roulant. Ma mobilité est particulière, et je suis dyspraxique. Mon enfance n’a pas été simple. J’ai côtoyé la mort, la vie, l’amitié dans les hôpitaux. Et j’ai été davantage à l’hôpital que sur les bancs de l’école. Une école où personne ne m’aidait à me sentir bien parmi les autres. J’étais regardée comme une personne handicapée avec tous les clichés et les préjugés qui vont avec. J’ai toujours été dispensée de sport sans qu’on me demande mon avis. Mon professeur d’EPS n’avait jamais vu d’élève en fauteuil, j’étais la première. Et j’ai décidé de faire un bac danse. Alors elle m’a aidée à réaliser mon rêve. Puis à l’université, j’ai passé un Master d’Arts et Spectacle, et j’ai commencé les cours de théâtre.

Jeune, je n’acceptais pas le corps que j’avais. Et je pense que pour assumer ma différence, il me fallait passer par la danse et son langage corporel. J’avais besoin également d’affirmer ma féminité, mes désirs, ma séduction. Il me fallait alors présenter ce corps dans un espace scénique.

J’ai été très vite engagée dans une compagnie de danse inclusive à Londres. C’était une véritable expérience artistique créative très différente de ce que j’avais connu à Paris. En France, nous sommes davantage dans la danse-thérapie et la drama-thérapie pour les gens différents. On se sert des arts pour « soigner » et venir en aide à la personne différente. Mais on la ramène finalement sans cesse à sa différence, en ignorant sa créativité et son talent.

Les mots sont importants. Et dans notre pays, le mot handicap renvoie dans le dictionnaire à « l’incapacité de faire des choses ». Il évoque la maladie, la peur, l’angoisse, la faiblesse… Outre-Atlantique, le handicap se définit par la performance et ce qu’il est possible de faire.

Participer au « Magazine de la différence », c’est contribuer à changer les mentalités françaises, et à lutter pour une meilleure reconnaissance des personnes différentes.

Alors oublions le mot handicap et remplaçons-le par « différence ». Ainsi nous mettrons fin aux clichés et dévoilerons d’autres richesses et compétence. Cela sera une manière d’universaliser ce combat.

Aujourd’hui je pars en Allemagne pour danser, créer et communier avec les autres. Je vis de mon travail en tant qu’intermittente du spectacle. J’assume enfin ma mobilité, ma différence, ma féminité, mon statut d’artiste. J’ai créé mon monde imaginaire. Et à travers chaque rôle, je m’invente et je me réinvente. Sur scène, je deviens mon personnage, une interprète, une danseuse. Et on ne voit plus la personne handicapée avec son fauteuil que l’on a toujours essayé de mettre en échec. Mon fauteuil est devenu un outil scénique. Et il n’est plus ce que je suis ».

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